LA VALLEE DE LA MARQUE

MARQUE : origine du mot
- ancien mot germanique " marko " : la marécageuse.
- désigne la frontière, la limite de territoire.

- 30 km jusqu'à l'extrémité aval canalisée.
- 40 km dans son ensemble.

Elle prend sa source au pied du Mont Pévèle à 50 m d'altitude, jusqu'à son entrée à Wasquehal où elle est canalisée, et avant de rejoindre la Deûle à Marquette, la vallée de la Marque forme un vaste croissant au sud-est de Lille.

La Marque traverse 5 " pays ":

1) Le pays de Pévèle : doucement vallonné - arbres - routes sinueuses.
Affluent: - le courant de Thumerie (1km500) il canalise les eaux de rejet de la raffinerie de sucre de Thumeries. Son cours est artificiel.

2) La plaine humide à partir de Pont à Marcq : plaine herbeuse.
La Marque étale ses eaux dans les marais sur une dizaine de kilomètres.
Affluents: - le ruisseau du Roseau
- la Petite Marque ( 5 km 25) qui contourne la butte de Mons-en-Pévèle par l'Est.
- le courant du Zécart (11 km, le plus long affluent), venu de Bersée, il traverse Cappelle - Genech - Templeuve.
Il est grossi des ruisseaux du Moulin d'eau (Genech), du riez de Cobrieux (Louvil). Il se jette dans la Marque après avoir drainé les marais de Fretin.
- le courant de la Planque (1 km), parallèle à la Petite Marque rejoint la Marque en amont de Pont à Marcq.

3) Le Mélantois : à partir de Bouvines (rive droite) et Sainghin en Mélantois ( rive gauche) - il n'y a plus de marais. La Marque coule dans un lit bien défini.
Plaine de champs non clos - sans arbres.
- Rau de la Noyelle

4) A Pont à Tressin, la Marque débouche sur une 2ème plaine humide boisée
marais de Villeneuve d'Ascq au bas de Willems en passant par Forest sur Marque.
Affluents :- la Petite Marque (9 km 25)à Willems. Chaîne des lacs.
- le courant du Maître David au sud de Flers. Son cours initial (4 km 5) a été complètement modifié par l'aménagement urbain.

5) Le Ferrain que longe la Marque.
Partie très urbanisée.
La Marque est canalisée à partir de Wasquehal.


La Marque reçoit ainsi un total de 35 km d'affluents qui drainent des bassins aux formes et aux surfaces les plus variées. A ces affluents, il faut ajouter les nombreux ruisseaux ou fossés qui sillonnent la Pévèle et le Ferrain, formant un réseau de drainage de plusieurs centaines de kilomètres.


La MARQUE dans l'histoire d'ENNEVELIN

Dés l'époque romaine, la population s'établit à la limite des anciens marais. Le gisement romain du hameau de la Broye atteste de ce choix.

Au début du Moyen-Age, de nombreuses institutions religieuses possèdent des biens dans la vallée.
Dans chaque paroisse, plusieurs abbayes, couvents ou chapitres disposent d'une certaine juridiction.

A Ennevelin : l'abbaye de Saint Quentin en l'Isle nomme le curé de la paroisse.
l'abbaye de Saint Vaast d'Arras exploite une bonne partie des terres.

La Marque sert de limite entre les paroisses.

1106 : naissance de la paroisse d'Ennevelin. (Anevelin)
C'est la première mention d'un autel dans les chartes médiévales.

La paroisse s'est bâtie à l'écart de la Marque, sur les franges des zones marécageuses. L'église est édifiée en marge de la rivière.

Des hameaux se sont bâtis à la limite des secteurs inondables:
-Verte Rue - Maresquel
- Le Leu (Fretin)
- Le Fourneau - La Cloquerie - Bonnance - Wachemy (Templeuve).

D'autres sont nés sur les rives de la Marque, autour d'un point d'eau, d'une ferme, d'un bois: - La Planque, Zéqueul.

Des fermes imposantes s'égrènent le long de la vallée de la Marque, héritières des fermes-châteaux de l'époque médiévale :
- Aigremont,
- La Boche (Bosse), Gorghezelt (Gorgueil), Biscopp.

Ces " censes " sont au Moyen-Age, le siège de domaines seigneuriaux, de seigneuries, de fiefs civils ou ecclésiastiques :
ex: la ferme Saint Vaast appartient à l'Abbaye Saint Vaast d'Arras.
Elles sont toujours entourées de douves qui servent de fortifications et absorbent le surplus d'humidité.
Les communautés gardent les meilleures terres pour la culture: d'un côté les champs, de l'autre les bois, les prés, les marais.

Certaines fermes jouxtent un château qui a parfois disparu : Aigremont. Elles sont entourées de douves, éléments de fortification pratiques qui, en outre, absorbent le surplus d'humidité des terres voisines souvent gorgées d'eau.

Des ponts permettent le franchissement de la Marque, des péages privés sont instaurés (Pont de Carquetelle) et fonctionnent jusqu'à la fin du XVIIIème.

En mai 1258, une vraie charte de propriété du village est donnée par Marguerite, Comtesse de Flandres. Elle confirme aux habitants, "le droit de la tenure du marais commun qui s'étend sur les paroisses d'Ennevelin, Templeuve, Fretin, et quelques années plus tard, Péronne, en échange d'un loyer à acquitter à la Saint Rémy.

Au XVIème, sous la domination de l'empire, toute la vie administrative et sociale du village est concentrée autour des "marais Comtesse. En cela, le village d'Ennevelin vit une vie collective avec les autres communes riveraines de la Marque.
Signe du système féodal, l'autonomie de la commune n'existe pas. Elle dépend de la terre, du cours d'eau.

Le 21 septembre 1545, une charte signée par Charles Quint permet aux villages riverains de réparer et mettre en largeur et profondeur la rivière de la Marque.
Elle confirme les droits conférés par la Comtesse Marguerite, droits de commune pâture qui ont été contestés aux habitants de temps à autres.
Ces droits s'exercent sur les marais communs entre le " four Gorghezelt " à Ennevelin et le moulin à Tressin. (Cette contrée s'appelait le Gouffre.)
Les marais communs : marais laissés à la jouissance d'un ensemble de paroisses ou communautés.

En 1718, les communautés d' Ennevelin, Fretin, Templeuve, décident d'exploiter en commun la tourbe des marais.

En 1747, la communauté d'Ennevelin réagit fortement à la proposition de Templeuve en faveur du partage des marais

En juin 1749, l'Intendant de Flandres autorise le partage des marais communs dans le secteur de Templeuve :
3/8 pour Templeuve - 1/8 pour Péronne - 2/8 pour Fretin - 2/8 pour Ennevelin,
soit environ 35 bonniers (50 hectares).

Les marais communs deviennent marais communaux.

Les 4 et 8 août 1749, le partage est effectué à Ennevelin.
Le partage étant effectué, le défrichement peut commencer.
Une partie des marais est défrichée en 1751-1752. Les parties dégradées par l'extraction sauvage de la tourbe sont réservées à la pêche et au tourbage.
Le 21 mars 1752, la commune d'Ennevelin procède à l'adjudication de 43 portions de 15 bonniers et 12 cents (environ 21 hectares).
D'autres parties sont alors partagées, au fur et à mesure des défrichements._
En 1776, on compte 113 portions.
La communauté dispose des bornes de grès (de 6 pieds de long), gravées selon l'orientation, des initiales des communes (E ,F, P ,T).
On trouve encore deux de ces bornes, marquée T / E , au hameau de Verte Rue: l'une dans les marais, l'autre près de la rue.
Le 7 décembre 1752, une convention est signée avec les habitants d'Ennetières pour les dédommager des droits "de paisson et chauffage" qui leur appartenaient sur le marais de Templeuve. Pour cela, ils réclament une rente annuelle de 300 livres payables à la Saint Rémy. Cette rente sera versée jusqu'en 1810.

Le 21 Mars 1777, le partage des biens communaux est décidé dans les "les lettres patentes du Roi"
Ce partage, en donnant à la commune l'individualité, la personnalité légale, porte un coup décisif au régime féodal.


Quelques faits d'armes aux environs d'Ennevelin

La Marque a souvent constitué un obstacle à la progression des troupes armées.
Le 27 juillet 1214 : La bataille de Bouvines
Les Français de Philippe Auguste y remportent leur première victoire nationale contre les alliés (Flamands, Germains, Anglais)

Le 18 août 1304 : La bataille de Mons en Pévèle
Philippe IV le Bel, roi de France en lutte contre les Flamands révoltés, cherche à atteindre Tournai, en passant par Condé, sur l'Escaut.
Les Flamands, sous la direction de Philippe de Chiéti (fils du Comte de Flandre Guy Dampierre ) protégés par la Marque, suivent les Français sur leur territoire.
Le 9 août, Philippe le Bel quitte Tournai, prend Orchies et, par Bersée, va se porter à Faumont. Il se propose de passer la rivière à Pont à Marcq.
Les Flamands le prennent de vitesse et, abandonnant Tressin et Bouvines, occupent Pont à Marcq le 11 août.
Le 13, 100 000 combattants Flamands se portent vers une position inattaquable, au lieu-dit "Le blocus".
La nature marécageuse du terrain oblige les Français à refuser le combat et à retourner à Faumont.
Le 17 août, Philippe le Bel lève le camp de Faumont et se dirige vers l'est de Mons en Pévèle. Les Flamands occupent le mont. La bataille s'engage le lendemain dans des conditions épouvantables. Les ailes des Flamands sont enfoncées.
Après de durs combats, les Français victorieux franchissent la Marque à Pont à Marcq.
Le 20 août, ils gagnent Seclin qu'ils incendient
Le 24 août, ils mettent le siège devant Lille, forçant les Flamands à signer la trêve.

En 1480, pendant la lutte de Louis XI pour l'héritage bourguignon, 120 cavaliers français, de retour d'une razzia, essaient de passer entre la Deule et la Marque.
Ils sont pris à partie par les paysans en armes entre Fretin et Ennevelin.
L'arrivée d'un renfort lillois a pour effet la mise à mort d'un quinzaine de pillards et la capture des autres.

En 1641, après leur attaque infructueuse contre Lille, les troupes françaises ravagent le pays. L'église d'Ennevelin est incendiée.

En 1708, pendant le siège de Lille par les alliés, l'armée française aux ordres du Duc de Bourgogne (petit-fils de Louis XIV) traverse l'Escaut près de Tournai, le 3 septembre, en vue de gagner Cysoing et de remonter la Marque afin s'assurer des débouchés en vue de la place assiégée.
A l'approche des français, le bataillon anglais (conduit par Malborough) qui tient Pont à Marcq se retire. Montesquiou d' Artagnan peut se porter sur la rive droite de la Marque, en face du Château d'Aigremont, qu'il occupe.

C'est le prélude à " la canonnade d'Ennetières ",qui durera du 11 au 15 septembre.
A son issue, le commandement français reconnaît l'impossibilité de toute manœuvre et repasse la Marque. En passant par Bersée et Templeuve, il regagne la rive droite de l'Escaut.

En 1793, lors du camp de Pont à Marcq, des unités sont stationnées à Mérignies, Rupilly, Avelin, Martinsart, Ennetières, Pont Thibaut, Aigremont et Seclin.
Protégeant Lille, ces troupes assurent la liaison avec Douai et surveillent la route de Valenciennes par laquelle l'ennemi risque de déboucher.
Le 18 mai 1794, la colonne de l'Archiduc Charles (frère de l'empereur d'Autriche) se présente devant Pont à Marcq. Le camp étant dégarni, les 300 défenseurs de Pont à Marcq ne peuvent empêcher l'ennemi de progresser jusqu'aux abords de Lesquin.
Là, apprenant la retraite vers l'Escaut des coalisés, l'Archiduc Charles décide de se retirer à Bersée et Orchies.


Obstacle, abri ou simple limite, la vallée de la Marque a connu d'importants rassemblements de troupe, amies ou ennemies.
Maintes fois des opérations de guerre l'ont endeuillée. En tout état de cause, c'est toute la population, à commencer par les plus pauvres, qui en a souffert, parfois pendant de longues années.
Jusqu'à la fin du XVIIIème, en dehors des combats, la présence des soldats est une source de malheurs pour les pauvres gens.
Les troupes, organisées ou non, exploitent le pays. On loge chez l'habitant, on impose des contributions de guerre sous menace de mettre le feu, on détruit les récoltes. La réquisition est de règle quand on a besoin de main d'œuvre pour les terrassements ou charrois.

Assèchement de la vallée :

Les fréquentes inondations attribuées au manque de pente de la rivière constituent un handicap.
A certains endroits, l'ampleur des marais est telle qu'il faut accomplir la traversée en barques.
Ex : entre Templeuve et Fretin, un service de traversée en barques existe à la fin du XVIIIème siècle. Le départ se fait d'une cense : "la ferme de la Cloquerie " en souvenir de la clochette qui avait été installée pour avertir les passants et surtout pour servir de repère lors des brouillards.
En hiver, les chemins sont impraticables. Pour aller d'un point à un autre, les habitants prennent l'habitude de "percer les haies" et de traverser les jardins.

En 1776, le Conseil d'Etat ordonne le curage, le redressement et l'élargissement de la Marque.
Templeuve, Ennevelin, Fretin et Péronne réagissent contre ce projet d'assèchement qui leur parait contre nature. Ils considèrent que, loin d'être nuisibles, les inondations fertilisent le sol. "La mise en culture n'est qu'une vue de l'esprit."Les travaux n'auront pas lieu dans ce secteur. A la veille du XIXème, la vallée de la Marque est asséchée de Bouvines au confluent.

Les marais et ses habitants

Les habitants des marais, généralement assez pauvres, essaient de tirer partie des moindres ressources offertes par leur environnement :
· Le cresson
· La tourbe
· Les roseaux

L'exploitation de la tourbe

Durant de nombreux siècles, le tourbage est considéré comme un mal nécessaire. Il faut concilier le besoin de se procurer un matériau de chauffage avec le fait que cette extraction dégrade les terrains et freine l'écoulement des eaux.
Dans notre région, la tourbe coûte plus cher qu'ailleurs car on peut utiliser les cendres provenant de sa combustion comme engrais.

Au XVIème, Charles Quint autorise les riverains de la Marque à élargir la rivère, à planter ses berges, récolter les herbages et la tourbe, en échange d'une corvée perpétuelle:
- réparer les berges
- les entretenir régulièrement pour éviter les inondations.

Jusqu'à la fin du 17e, le tourbage se porte bien. Les usagers en abusent parfois, trouant le marais et vendant la tourbe à des étrangers, " se moquant des gardes et même leur faisant rébellion ouverte ". C'est ainsi dans quatre villages rebelles ( Fretin, Templeuve, Ennevelin, Péronne ), bordant les marais Comtesse.
C'est à cette époque que se développe une "philosophie" du bon usage des marais dont l'objectif est, sinon leur disparition totale, du moins leur aménagement, leur humanisation.

1678 : Interdiction de tourbage, prononcée par Mr Pelletier, intendant des Flandres, sous peine de confiscation des tourbes et de 100 florins d'amende (moitié au dénonciateur, l'autre moitié au Roi). Cette interdiction provoque des attroupements.

1690 : L'intendant Dugué de Bagnols accorde l'autorisation de tourber à condition de quitter les palées octroyées en 1678 et de respecter certaines zones délimitées par une ligne..

1693 : les lignes protégeant la zone interdite au tourbage sont forcées entre Ennevelin et Péronne en raison de la cherté des bois et de l'extrême pauvreté des habitants.


1718 : Accord Ennevelin, Templeuve, Fretin : l'autorisation de tourber est réservée aux plus pauvres. Ceux qui ont les moyens d'acheter la tourbe ne sont plus autorisés à tourber. Le transport doit être fait par des voituriers locaux.
Le tourbage ne peut se faire qu'entre le lever et le coucher du soleil.
Trois personnes : Michel Mallet, Amboise Lestriez, Gilles Henno sont déléguées pour exercer la police de tourbage.

1777 : les lettres patentes interdisent le tourbage en raison des dégradations des zones susceptibles d'être mises en culture. En effet, le tourbage contribuait à transformer les marais en étangs ( à l'origine de fièvres pernicieuses pour l'homme).


1783 : On continue à déplorer un abus d'exploitation des tourbes à Fretin.
Après le partage des marais, seuls les usagers pouvaient tourber.

1815 : le maire de Templeuve précise qu'il n'y a pas de tourbière dans sa commune.

En fait, petit à petit, l'exploitation de la tourbe a disparu avec l'arrivée du charbon :
1757 : création de la Compagnie d'Anzin pour exploiter le charbon, découvert en 1734.
1852 : ouverture à Oignies du 1er puits du Pas de Calais.

Méthode d'extraction de la tourbe :
On extrayait la tourbe avec une pelle appelée " dage " ou " drague ", puis on la transportait sur du gazon.
Elle était pétrie, moulée en briques de 8 pouces de long sur 2 pouces de largeur et d'épaisseur et séchées au soleil.

Aujourd'hui, les tourbières sont des zones de transit des canards colverts où l'on chasse à la hutte.

Pêche - chasse


Les rives de la Marque constituent une véritable réserve, grâce aux espaces marécageux.
Mais, pêcher et chasser sont, jusqu'à la révolution, des privilèges seigneuriaux.
Les paysans avaient donc l'habitude de braconner pour profiter des ressources offertes par les rives de la Marque
- canards, bécassines, échassiers… fréquentent régulièrement ses berges.
- carpes, anguilles, tanches, brochets, brêmes, goujons, perches, percots, rousses se pêchent encore dans la Marque au début du XIXème siècle.

Elevage des " bêtes à laine "


L'élevage du mouton est attesté dans la vallée de la Marque dès la plus haute antiquité.
Il a été florissant pendant de nombreux siècles.
Chaque village dans la vallée élève des centaines et parfois un millier de moutons, brebis, agneaux, béliers, chèvres et boucs.
En l'absence de clôtures, les troupeaux sont toujours gardés. Les bergers partent tôt le matin et tous les soirs au bercail.
Les bergers qui ne respectent pas les zones de pacage s'exposent aux poursuites des agents seigneuriaux.

La maladie du charbon qui a décimé des troupeaux, la concurrence des laines étrangères et des espaces marécageux ont contribué au déclin de cet élevage et à sa complète disparition au XXème siècle.
Vers 1830 : 700 têtes à Ennevelin
1930 : 200
1940 : 1 famille de chèvres.

Elevage des oies

Les marais de la Marque offrent un pâturage de choix pour les oies.
Mais cela pose un problème: les fientes d'oies ont une réputation fâcheuse : elles détruisent l'herbe pour trois ans.

30.06.1678 : Ordonnance de Mr Pelletier, intendant des Flandres concernant les marais le long de la Marque et de la Deule. Etant donné le mauvais état des marais dû "au grand nombre de moutons et oysons y passans", les censiers et habitants des marais des villages voisins de la Marque ne sont plus autorisés à mettre des "oies et oysons" dans les prairies et marais voisins sous peine de confiscation et de "cent florins d'amende applicable la moitié pour le dénonciateur, l'autre au profit du Roy"

16.07.1688 : l'Intendant de Flandres autorise les habitants n'ayant pas de moutons à élever, à posséder " 2 garcées d'oies " (1 garcée = 9 oies) et de les laisser paître dans les marais.
Les éleveurs étaient tenus de vendre le surplus lors de la fête de la "Magdeleine":
l'élevage était donc toléré mais limité.

Pour le bon usage des marais, "les occupeurs de moins d'un bonnier de terre pouvaient disposer de 40 " vieux oyes et 30 jeunes " et 4 " vieux oyes " par bonnier supplémentaire."

Les éleveurs de moutons ne pouvait se " charger " d'oies.

L'élevage des oies et autres volailles avait développé la production de plumes, particulièrement réputée.

Les roseaux

Les roseaux " glageots " sont récoltés et exploités jusque 1960 pour la confection de vannerie.

Ils permettent de fabriquer toutes sortes de paniers et en particulier les " banses "(paniers) utilisées pour le ramassage des pommes de terre.

Les métiers des marais

A côté de l'exploitation des tourbières, les habitants des marais tirent de leur environnement matière à vivre.
Tout naturellement, ils vont d'abord se tourner vers l'exploitation des forêts qui les entourent
Chaque village a ses "gens des bois" qui savent abattre et exploiter les arbres:
Les bûcherons, s'aidant de "grimpétes ou d'agrappes" qui permettent d'escalader les troncs procèdent à l'émondage. Les raccourches (bûches) sont chargées sur une brouette ou un tombereau. Les branches sont abandonnées pour servir de refuge au gibier.
Les troncs sont l'affaire des "carrieux d'bos" et des scieurs de long,
Les menuisiers, charpentiers, sabotiers interviennent pour les réalisations à la demande.
Les haies sont très régulièrement entretenues. Pas besoin de barbelé pour empêcher les bêtes de passer: "rien d'tel qu'eune bonne hayure", d'autant que la taille permet de récupérer les fagots pour le chauffage du four à pain.

Mais d'autres activités liées au milieu humide se développent sur les rives de la Marque.

Le rouissage du lin et du chanvre.
Après la récolte du lin et du chanvre, les tiges qui ont été coupées, rassemblées en bottes, séchées et égrenées subissent une longue période de rouissage, c'est à dire d'intense humidification. C'est une opération délicate qui conditionne la qualité du produit. En plongeant les gerbes de lin ou de chanvre dans l'eau, on détruit par fermentation le vernis résineux qui agglutine les fibres de textiles. On jette les bottes de lin ou de chanvre dans l'eau de très larges fossés dans laquelle elles flottent aux trois-quart. Les enfants s'amusent à passer dessus pour les faire tourner et permettre un rouissage uniforme.
Ensuite, elles sont broyées et peignées.
Le peignage a pour but de débarrasser les tiges broyées des brindilles d'écorces qui les entourent encore, afin d'obtenir une filasse qui va devenir, après un traitement adéquate, un fil d'une pureté remarquable. C'est une tâche dure et malsaine.

Le fil de lin sert à faire de belles toiles, de grande qualité, très appréciées autrefois.
Le rouissage du lin et du chanvre n'est pas toujours bien considéré par les autorités.
En 1752, il est fait "défance à tout particulier de rouir du lin et du chanvre dans lesdits clairs et canaux qui y aboutissant"

Cette interdiction est régulièrement rappelée, en raison des pollutions et des odeurs nauséabondes qu'entraîne cette activité.

Dans une région aussi tournée vers le textile, la Marque a suscité très tôt l'apparition de blanchisseries.
Entre Templeuve et Fretin, non loin du pont d'Huvet, se construit en 1899, l'établissement des frères Lambert, dans les marais de la Marque.
Elle cessera son activité en 1970.
Derrière le bâtiment, le terrain qui servait à étendre les toiles à blanchir a été comblé par les déchets S.N.C.F. puis replanté.

Evolution du tracé de la Marque sur Ennevelin

Le centre initial du développement du bourg devait se trouver au Nord de la ferme Saint Vaast.
La création de l'actuel centre et l'implantation de l'église s'expliqueraient par l'assèchement partiel des marais au XIIIe siècle et par le repoussement vers l'Est du cours de la rivière, que l'ont peut retrouver en suivant le talweg ( ligne de plus grande pente d'une vallée ) et les arbres épars (aulnes et saules ) entre Zéqueul et le marais.

Fin XVIIe - début XVIIIe siècle, lors du partage des marais, le cours de la Marque, au travers de Verte Rue a été remblayé, permettant la construction de maisons sans fondations et détourné vers le Nord pour longer l'actuelle drève du Château Blanc, servant de limite communale.


1912: délibération du Conseil Municipal (exécution 1913 - 1914 ) pour corriger le cours de la Marque afin qu'elle ne pénètre plus dans le hameau.
Réaménagement du chemin vicinal menant du bourg au hameau de Verte Rue.
Les terres de l'ancien cimetière situé autour de l'église ont été réquisitionnées pour le remblaiement.

1960 - 1961 : au bas de la Bosse : raccourcissement et redressement du parcours de la Marque pour la création de la départementale 145 Fretin - Templeuve.

La toponymie


Elle reflète la grande irrégularité des courants
ex: Le pont de la Goulée (= gorgée).


Quelques noms évocateurs de creux dans la commune rappelle bien la permanence de l'eau dans la commune.
- Les bas Fonds
- Le bas de la Bosse
- La Cense des Raines (grenouilles) qui, à la fin du XVIIème, comprenait 3 édifices et un jardin à la française. Il fut incendié en 1786.
- Les Marais: jusqu'à une époque récente
les rues Jules Ferry s'appelaient Rue du MARAIS, au grand dam du facteur!
Pierre et Marie Curie
des Saules
des Peupliers

Les ponts
- Pont du Château Blanc : passage obligé avant 1960 entre Fretin et Ennevelin.
- Pont de la Verte Rue : autrefois à l'entrée du hameau, détruit et reconstruit sur D145.
Ces ponts sont souvent réduits à une planche jetée par un habitant du lieu pour la franchir avec ou sans son troupeau.
Ils portent probablement le nom de ceux qui les ont réalisés.
- Planche du Berger - Pont Tissard
- Planche Mené - Pont Ducat
- Pont Thibault - Pont D'Aigremont
- Pont Delarive

Quelques édifices remarquables

- Chapelle Notre Dame de Grâce à Verte Rue.

- Ferme des 3 Faulx, ancienne chaumière à Verte Rue, aujourd'hui recouverte de tuiles.

- Ferme de la Bosse, ferme au carré, avec de nombreuses dépendances.

- Château d'Aigremont: la famille d'Aigremont possède le domaine dès le début du XIIème. Celui-ci passe entre les mains de différents propriétaires avant d'être acheté en 1648, par la famille Jacobs qui réalisera de nombreux travaux d'agrandissement.
Le château situé derrière la ferme, dans l'axe de la grande drève, sera détruit durant la révolution.

- Ferme Gorgueuil, avec ses lucarnes typiques, à Zéqueul, faisait partie d'un beau manoir, propriété du seigneur d'Aigremont.

- Château de Biscopp, s'étendait à la limite de Pont à Marcq. La Marque sillonnait entre le parc du château, non loin de deux petits hameaux: Tirfemont et la Planque.

- Château d'Ennevelin, construit au XVIII ème, entouré d'un parc, se situait dans les bois à l'arrière de l'actuelle salle des fêtes.
Ces deux châteaux ont complètement disparu.


L'exposition qui vous est présentée est le fruit du travail d'un petit groupe de bénévoles composé:
- d'anciens Ennevelinois originaires du secteur étudié
- Béatrice Courouble (Verte Rue)
- Paul Dufour (Hélin)
Ils ont connu les routes régulièrement recouvertes d'eau, les obligeant à venir à l'école dans les charrettes tirées par les chevaux.

- d'anciens et de nouveaux Ennevelinois, curieux de l'histoire de leur commune
- Marie Christine Carton - Joëlle Deffontaines
- Françoise Devendeville - Daniel Jolivel
- Louis Lambelin - Roland Laroye
- Odette Naudier - Nadine Sultana

Nous avons puisé nos informations dans les ouvrages de:
- Paul Delsalle "Histoire de la Vallée de la Marque"
- Christian Maille "Ennevelin, la rurale"

Pour approfondir nos recherches, nous avons reçu le soutien de:
- Michel Vangheluve, aux archives départementales
- Madame Heddebaut, présidente de l'association historique de Pévèle
- Christian Maille, président de Pévèle 2000
- André Leblanc, vice président de SOS Marque.

Le personnel communal nous a apporté son aide pour la présentation et la décoration.


Nous avons choisi de limiter notre étude à la zone des marais essentiellement, zone autrefois riche de ce petit peuple qui menait une vie laborieuse dans l'humidité et qui n'a cessé de se battre pour continuer à vivre de ce que la nature lui offrait.

Le souvenir de cette activité a complètement disparu de nos mémoires. Comme beaucoup d'Ennevelinois, nous voyions le hameau de Verte Rue, comme un secteur excentré, qui avait surtout l'avantage d'être proche de la halte de chemin de fer et l'inconvénient de se situer près des marais.

Les marais! Qui s'aventure encore dans ce domaine? Bien peu d'entre-nous! Quelques rares chasseurs sans doute. Ou quelques amoureux de la nature en quête de calme.

Calmes, les marais autrefois? Certainement pas. Imaginez tout ce secteur avec des centaines de moutons paissant de-ci, de-là avec leurs bergers, les cris des oies qui se mêlent aux bêlements, les tourbiers qui s'interpellent, les enfants qui jouent sur les bottes lin mises à rouir! Nous ne pensions pas en nous penchant sur les archives découvrir cette richesse humaine.

Les idées humanistes, qui se sont développées à partir du 18ème siècle, leur ont été fatales. Le souci d'assécher, d'aménager les rives de la Marque afin de les assainir et lutter contre les fièvres pernicieuses a amené les autorités à prendre des ordonnances qui vont rendre la vie dure à tous ces pauvres gens. Ces derniers savent bien que les marais ne seront jamais des terres cultivables; ils savent bien que les marais jouent un rôle très important dans ce secteur de la Marque. aussi vivre avec les inondations.

Le développement industriel va sonner le glas de toute cette vie. Nous allons même en perdre complètement la trace, enfouissant leur souvenir sous des tonnes de déchets générés par le progrès, la civilisation.

Il faudra attendre que la nature se rappelle à notre souvenir par de terribles inondations pour que l'on essaie de redonner à cet espace sa vocation initiale: servir de bassin de stockage quand la Marque déborde et que l'on rétablisse un écosystème adapté.

Nous avons laissé le soin à Mr Jolivel et Mr. Laroye de parler du devenir de la vallée de la Marque.
Membres de SOS Marque, ils sauront enrichir les réflexions menées actuellement du souvenir de ce petit peuple des marais .

Avec eux et avec tous les partenaires engagés dans ce gigantesque chantier,
Réapprenons à vivre avec nos marais.
Préservons-les.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la commune d'Ennevelin,
découvrez le livre consacré à la vie du village au siècle dernier:
" La balade du siècle à Ennevelin "